Oxmo Puccino - "Le Laid" (Chanson & Analyse)
Nouveau concept: pour apprécier le rap, faut apprécier les textes des rappeurs, des poètes. Et rien de mieux que de commencer par la poésie de Oxmo Puccino, surnommé Black Jacques Brel. Pour cela, prenons une de ses meilleures chansons: Le Laid. Elle sort en 2001 sur son album L'Amour est mort. Cet album ne reçu pas un franc succés, contrairement à son précédent. En revanche, il est -trop- sous-estimé. C'est la même chose pour Le Laid, qui n'est pas comprise par tout le monde. Voici la vidéo, et le texte.
"Barman, un verre. Et vite s'il te plait, je suis pressé
Avec une paille, s'il vous plait. Merci"
Y'en a trop qui disent qu'ils ont faim mais ils ont soif
Et c'est le premier jus que j'ai bu,
Je t'assure que ça m'a plu,
Ce pur plan truc blanc coule du sein de ma’
Gratuit, jusqu'à ces putains de biscuits que j'ai vu à la télé
Elle m'a dit que ça se payait, ça se cueillait pas.
Ca se ramassait pas par terre, sous peine de sécher
Des gens en avaient tant qu'ils pouvaient pécher
Des cachalots dans leurs poches
Depuis, moi, j'ai roulé en Porsche
Porter des sapes chères sur le torse
Après bof…
Le lait coule, s'assèche, coule, s'assèche
Et si t'es pas assez solide t'es "HS"
C'est le lait, et c'est laid
Refrain
Je voulais du lait
J'étais petit, je rêvais qu'il pleuvait du lait,
Je m'étais pas dit que c'était aussi laid.
Le laid, trop veulent tremper le cul dans le liquide
Ignore que c'est avoir le trou du cul dans de l'acide
Tu finis avec un colon d'acier, à force de chier
Tes sentiments pour chaque centime.
Ainsi dans le ghetto les jeunes se tuent comme des pros
Déçus d'avoir su trop tôt que c'était pas la solution et si tu crois ça ?
Haïs le et partage pas t'assumeras comment ça se passera avec eux
Car il n'y en a jamais assez, toujours quelqu'un assoiffé, jamais assez.
Et si t'as 5 verres de lait, fais gaffe, à celui qui en a 4
Tout comme celui qui en a 6, t'accuse de faire vice
Ça se trouve, tu fais même pas exprès
Tu sais pas que t'es stress quand ta meuf veut ses tresses
C'est le laid, les gens en veulent, le gueulent fort
Puis lorsqu'ils l'ont, se cachent comme une honte
C'est le lait, car avoir du lait, c'est laid,
Refrain x3" (Prod. Dj Sek)
Remarquons la métaphore filée, jouant sur la paronomase, entre lait/laid. Hélas, trop peu comprennent le véritable sens de cette métaphore, où un raccourci hâtif consisterait à dire qu'elle est un reflet acide de la société... Non seulement elle l'est (j'en suis un, de poète), elle est surtout l'image de l'argent. D'abord, le lait est un besoin enfantin, que ta Ma' te donne. Il t'est indispensable. Puis le lait se transforme. Le lait devient du liquide, de la monnaie, mais il est toujours aussi indispensable. Tellement qu'il en pourrie notre monde au point que "avoir du lait, c'est laid".
Cette métaphore fût tellement incomprise, qu'elle a eu le droit a une explication sur son album suivant, Le Cactus de Sibérie. La chanson "Le pèze" reprend, comme son nom l'indique, le même thème. Et vers la deuxième minute, on peut entendre "Vous n'avez pas compris le lait, vous comprendrez le pèze.".
Nous pouvons aussi faire un rapprochement de cette image du lait, avec celle qu'est faite dans le film American Gangster. A un moment, Franck Lucas (joué par Denzel Washington), chef d'un réseau de distribution de drogues, rend visite à un patron influent de New-York; voici le dialogue, où le lait est image de la drogue.
"- Les monopoles sont interdits aux USA Franck, parce que personne n'a envie de se bagarrer. Personne n'a envie de se bagarrer, pas contre un monopole. Imaginez qu'on laisse les industriels du lait faire ça, la moitié d'entre eux se retrouverait au chomage.
- J'essaie seulement de gagner ma vie.
- Et c'est votre droit. Tout le monde a le droit, c'est l'Amérique. Mais on a pas le droit de la gagner exagérement au dépend des autres, parce que ça devient anti-américain. Et c'est pour ça que le prix qu'on paie le litre de lait ne peut en aucun cas représenter le prix de coût de production parce qu'il faut que ce soit contrôlé, il faut que ce soit fixé, il faut que ce soit honnête.
- Contrôlé par qui ? J'ai fixé un prix que je crois jutifié.
- Je crois pas qu'il soit justifié.
- Ah non?
- Non je ne le crois pas...
- Moi je crois que si.
- Bien sûr je sais que vos clients sont satisfaits Franck, ces putains de junkies tous autant qu'ils sont. Mais vos confréres les industriels du lait Franck, est-ce que vous pensez à eux? huh, vous y pensez à eux ?
- Les industriels du lait ? (rires)
- Oui.
- Je pense à eux Dominique, j'y pense au moins autant qu'ils ont jamais pensé à moi."
En espérant vous avoir fait aimer la poésie de Mr Puccino, je vous préviens que pochainement je vous livrerais les secrets d'une autre de ses musiques, "Le Cactus de Sibérie".
Peace, M.D.!